MÉMOIRE DE L’ONTARIO COUNCIL
OF AGENCIES SERVING IMMIGRANTS

Résumé

Priorité en matière de dépenses – Soutenir l’intégration économique, politique et sociale réelle des immigrants et des réfugiés.

Recommandation 1 – Assurer le financement stable et approprié des services d’établissement et d’intégration en maintenant les mêmes niveaux de financement qu’en 2011-2012.

Coût – 640 millions de dollars par an (à l’exclusion du Québec) d’après les niveaux de financement de 2011-2012.

Recommandation 2 – Adopter une stratégie en matière de crédit d’impôt qui encourage les petits et moyens employeurs à embaucher des immigrants pour occuper des emplois de bonne qualité.

Coût – Jusqu’à 350 millions de dollars la première et la deuxième année et jusqu’à 500 millions de dollars par an par la suite. Ces coûts seront compensés à court et à long terme par le truchement de versements d’impôt sur le revenu accrus effectués par les immigrants participants étant donné les niveaux de revenu plus élevés.

Recommandation 3 – Améliorer le régime d’assurance-emploi en réduisant le nombre d’heures ouvrant droit aux prestations pour le fixer à 360 dans toutes les régions, en calculant les prestations à partir des 12 meilleures semaines de rémunération assurable au cours des 52 semaines précédentes, en augmentant les prestations pour les porter à au moins 60 % des gains des travailleurs et en éliminant la période d’attente de deux semaines pendant laquelle l’assuré n’a pas droit aux prestations.

Introduction

L’Ontario Council of Agencies Serving Immigrants (OCASI) est le conseil provincial de coordination des organismes qui travaillent avec les immigrants et les réfugiés. L’OCASI a été créé en 1978 pour agir en tant que porte-parole collectif et pour coordonner les mesures prises en réponse aux préoccupations et aux besoins communs. Le conseil est un organisme de bienfaisance enregistré régi par un conseil d’administration composé de bénévoles. Il compte parmi ses membres plus de 220 organisations communautaires dans la province de l’Ontario.

Toile de fond

En 2010, 280 681 nouveaux résidents permanents se sont établis au Canada. Les immigrants et les réfugiés jouent un rôle important de premier plan dans la réussite économique, politique et sociale de la société canadienne, comme indiqué par le ministre Jason Kenney dans son rapport présenté au Parlement en 2010. D’ici dix ans, on prévoit que l’immigration sera la seule source de croissance de la population active au Canada[1]. On s’attend à ce que l’immigration soit à l’origine de plus des deux tiers (67,5 %) de la croissance démographique d’ici 2015[2] et de 100 % de la croissance démographique quelque part après 2025[3]. Selon une étude rendue publique par le Conference Board du Canada en 2010, les immigrants sont le moteur de l’innovation et de la croissance économique. Par exemple, bien que les immigrants ne représentent qu’environ 20 % de la population canadienne, 35 % des titulaires de chaires de recherche universitaire sont nés à l’étranger. Le modèle de cette étude laisse également entendre qu’une augmentation d’un point de pourcentage du nombre d’immigrants pourrait se traduire par une augmentation des importations de 0,21 % et une hausse des exportations vers les pays d’origine de 0,11 %[4].

Malgré le rôle essentiel qu’ils jouent au chapitre de la dynamisation de l’économie canadienne, les immigrants font face à de nombreux obstacles qui se posent à leur intégration économique réelle et qui ont des répercussions sur leur situation sur le marché du travail à long terme, par exemple le manque de reconnaissance des études internationales ainsi que des compétences et de l’expérience de travail acquises à l’étranger. Le changement au niveau des pays sources résultant de politiques en matière d’immigration plus équitables a donné lieu à une augmentation du nombre d’immigrants racialisés. Ces immigrants sont particulièrement touchés par les obstacles systémiques imposés en fonction de la couleur de la peau qui sous-évaluent l’éducation et la formation acquises dans le Sud où les résidents racialisés sont majoritaires. D’autres obstacles systémiques comme la discrimination raciale sur le marché du travail et ailleurs ont un impact réel sur leur possibilité de s’intégrer réellement au marché du travail. En conséquence, les immigrants, notamment ceux qui sont racialisés, sont surreprésentés chez les travailleurs pauvres au Canada[5].

D’après un rapport de Statistique Canada publié en 2009, tant les nouveaux immigrants que les immigrants établis occupent des emplois de moins bonne qualité comparativement aux personnes nées au Canada. En plus d’un important écart au niveau salarial, les immigrants étaient davantage susceptibles d’occuper contre leur gré des emplois atypiques, y compris des emplois à temps partiel et temporaires, des contrats à court terme, du travail à la pièce et d’autres emplois précaires, et ils étaient moins susceptibles d’avoir accès à un régime de pension de l’employeur et à une assurance-vie offerte par l’employeur que leurs homologues nés au Canada[6].

La récession récente a touché les immigrants au premier chef et plus gravement que les autres, et notamment les immigrants arrivés au Canada depuis moins de 5 ans. En novembre 2008, le taux de chômage chez les Canadiens nés ici était tout juste inférieur à 5 %, comparativement à un peu plus de 6 % chez l’ensemble des immigrants et 10 % chez les immigrants récents, c’est-à-dire ceux vivant au Canada depuis moins de 5 ans. En novembre 2011, le taux de chômage chez les Canadiens nés ici était de 5,4 %, comparativement à 8,9 % chez l’ensemble des immigrants et 14,9 % chez les immigrants récents[7]. Une deuxième récession fort possible ne fera que continuer à accentuer ces disparités au niveau de la situation sur le marché du travail.

En 2007, l’Université de Toronto a tenu une table ronde sur la compétitivité économique et l’inclusion sociale à Toronto; ces travaux ont permis de constater l’existence d’un lien important entre la participation économique complète des résidents et la cohésion sociale.  Il a été établi que les mesures de soutien social et l’investissement dans l’infrastructure communautaire jouaient un rôle important en stimulant l’économie. Les services fournis de même que le travail de recherche et de défense des droits réalisé par le secteur desservant les immigrants et les réfugiés sont essentiels à l’intégration réussie des immigrants et des réfugiés. Nous avons besoin de ces investissements pour demeurer compétitifs sur le plan économique au niveau local, national et international.

La priorité en matière de dépenses de l’OCASI consiste à soutenir l’intégration économique, politique et sociale réelle des immigrants et des réfugiés. Compte tenu des faits présentés ci-dessus, l’OCASI recommande ce qui suit :

Recommandation 1 – Assurer le financement stable et approprié des services d’établissement et d’intégration en maintenant les mêmes niveaux de financement qu’en 2011-2012.

Le secteur desservant les immigrants et les réfugiés au Canada a subi une coupe budgétaire de 53 millions de dollars en 2011, dont près de 44 millions de dollars uniquement en Ontario, à la suite de l’Examen stratégique visant à retrancher 5 % du budget de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Dans l’ensemble de la province, 35 initiatives et organismes ont perdu la totalité de l’aide financière de CIC et de nombreux autres ont perdu une part importante de leur budget. Compte tenu du nouvel examen stratégique prévu pour cette année, le secteur se prépare à subir d’autres coupes.

Ces coupes importantes dans les services et les programmes du secteur en Ontario étaient injustifiées et imprévoyantes. Le secteur en Ontario a été inutilement perturbé et ce sont les personnes, les familles et les communautés déjà vulnérables qui ont été le plus durement touchées. Parmi les 13 organismes membres de l’OCASI qui recevaient auparavant une aide financière et qui n’ont pas de marché avec CIC pour l’exercice 2011-2012, près de la moitié (6) sont des organisations qui oeuvrent directement auprès de communautés racialisées. Et de ce nombre, quatre organisations travaillent auprès de communautés africaines.

Qu’il soit intentionnel ou pas, ce désinvestissement dans les programmes d’intégration a des répercussions sur les communautés qui ont été le plus durement affectées par la dernière récession et qui sont historiquement surreprésentées dans les groupes touchés par le sous-emploi, sans égard aux antécédents en matière d’études et d’emplois comparables, et qui, à cause de la discrimination, sont largement marginalisées sur le plan social, politique et économique.

Pour bien comprendre l’impact des coupes en Ontario, il est important de les examiner dans une perspective historique. Pendant dix ans (1995-2005), dans le secteur desservant les immigrants et les réfugiés financé par le gouvernement fédéral en Ontario, l’aide financière est demeurée inchangée tandis que les coûts des programmes et des services augmentaient, que les demandes et les exigences pour des interventions efficaces au niveau de l’établissement et de l’intégration devenaient plus complexes et que les exigences en matière de responsabilisation de la part du gouvernement s’intensifiaient. L’Accord Canada-Ontario sur l’immigration, une entente de cinq ans signée en novembre 2005, reconnaissait ce déséquilibre historique au niveau du programme fédéral et tentait de remédier au sous-financement du secteur desservant les immigrants et les réfugiés en Ontario au moyen de l’injection de fonds pour la prestation de services et la réalisation de programmes tenant compte des coûts réels. La décision de retirer ces fonds du budget de la région de l’Ontario ne tient pas compte des dispositions visant à redresser la situation enchâssées dans l’Accord.

Tandis que la province, les municipalités et les fondations comme Centraide font elles‑mêmes face à des défis financiers, le gouvernement fédéral à qui incombe la responsabilité de l’intégration économique et sociale des nouveaux-venus aux Canada (et qui garde la main mise sur l’administration du programme d’établissement et d’intégration en Ontario) ne doit pas augmenter davantage les difficultés que connaissent les nouveaux Canadiens au cours de leurs démarches en réduisant encore plus le soutien aux programmes qui facilitent la réussite de leur intégration.

D’autres coupes dans le financement, alors que les organismes soutiennent les communautés les plus durement touchées par la récession et compte tenu de la possibilité réelle d’une autre récession, pourraient avoir des conséquences graves sur la stabilité et la capacité en continu du secteur de répondre efficacement aux besoins en matière d’établissement et d’intégration des immigrants et des réfugiés.

Coût de la recommandation 1 – 640 millions de dollars par an (à l’exclusion du Québec) d’après les niveaux de financement de 2011-2012.

Recommandation 2 - Adopter une stratégie en matière de crédit d’impôt qui encourage les petits et moyens employeurs à embaucher des immigrants pour occuper des emplois de bonne qualité.

Bien que les immigrants récents aient des niveaux d’études supérieurs à ceux des Canadiens nés ici et des cohortes précédentes d’immigrants, ils sont moins bien rémunérés et ils connaissent des taux supérieurs de chômage et de sous-emploi. Les recherches montrent que les employeurs ne reconnaissent pas à leur juste valeur les études internationales et l’expérience de travail acquise à l’étranger, comparativement aux études faites au Canada et à l’expérience acquise ici, dans une proportion de 30 et 66 % respectivement[8]. Selon les estimations du Conference Board du Canada, cette situation se traduit par une perte de 2,3 milliards de dollars au titre de la rémunération perdue[9].

Les recherches faites par Statistique Canada, Galabuzi, le Toronto Region Immigrant Employment Council (TRIEC) et le Commissaire à l’équité de l’Ontario montrent que la prise de mesures pour éliminer bon nombre des obstacles à l’emploi doit se faire tout autant, sinon davantage, au niveau des employeurs. Travailler avec les employeurs, par exemple les informer au sujet de la valeur des études internationales et de l’expérience acquise à l’étranger, ou bien les encourager et les aider à mettre en place des stages, se révèle une stratégie efficace. Ce travail, de concert avec le travail effectué sur le terrain auprès des immigrants par les organismes de services communautaires, permet de créer une situation qui ne fait que des gagnants sur le marché du travail. Ce travail nécessite un soutien en continu.

À l’OCASI, nous sommes encouragés par l’allègement consenti dans le budget de 2011 au niveau des cotisations d’assurance-emploi aux petites entreprises qui créent des emplois. Cependant, il ne s’agit là que d’un crédit d’impôt unique dont le montant maximum n’est malheureusement qu’un maigre 1 000 $. Nous aimerions qu’un soutien accru soit accordé aux petites et moyennes entreprises qui embauchent de nouveaux immigrants pour combler des emplois nouveaux et existants.

Ainsi, l’OCASI recommande l’adoption d’une stratégie en matière de crédit d’impôt pour encourager les petits et moyens employeurs à embaucher des immigrants pour occuper des emplois de bonne qualité, c’est-à-dire des emplois en commune mesure avec le niveau d’études, les compétences et l’expérience de l’immigrant et qui offrent une rémunération juste et équitable. Cette stratégie permettra d’améliorer la situation sur le marché du travail à long terme des nouveaux immigrants en les aidant à décrocher un emploi intéressant. Cette stratégie prévoirait jusqu’à 5 000 $ en crédit d’impôt pour chaque nouvel immigrant embauché.

·         Pour être admissible, l’employeur ayant moins de 100 employés serait tenu de fournir un emploi à temps complet en commune mesure avec les compétences et l’expérience de l’employé immigrant;

·         Les employeurs auraient droit à une remise d’un an au niveau des contributions de l’employeur au Régime de pension du Canada et des cotisations d’assurance-emploi pour chaque nouvel immigrant embauché;

·         Les employeurs qui gardent un nouvel immigrant comme employé pendant au moins 24 mois seraient admissibles à une prime au maintien – un crédit d’impôt non remboursable de 1 500 dollars;

·         Cette stratégie en matière de crédit d’impôt aiderait chaque année 100 000 nouveaux immigrants à trouver un emploi de bonne qualité.

Coût de la recommandation 2 – Jusqu’à 350 millions de dollars la première et la deuxième année et jusqu’à 500 millions de dollars par an par la suite.

Recommandation 3 - Améliorer le régime d’assurance-emploi en réduisant le nombre d’heures ouvrant droit aux prestations pour le fixer à 360 dans toutes les régions, en calculant les prestations à partir des 12 meilleures semaines de rémunération assurable au cours des 52 semaines précédentes, en augmentant les prestations pour les porter à aux moins 60 % des gains des travailleurs et en éliminant la période d’attente de deux semaines pendant laquelle l’assuré n’a pas droit aux prestations.

À l’OCASI, nous étions heureux que le budget de 2011 ait permis, d’une part, de prolonger deux projets pilotes en AE pendant un an (le projet dans le cadre duquel le calcul des prestations se base sur les 14 meilleures semaines de rémunération assurable dans 25 régions frappées par un taux de chômage élevé et le projet « Travail pendant une période de prestations de l’assurance-emploi » qui offre aux travailleurs davantage de flexibilité pour combiner l’AE et des possibilités d’emploi temporaire) et, d’autre part, de prolonger temporairement des ententes dans le cadre du programme de travail partagé existantes et terminées depuis peu.

Cependant, en raison de leur représentation disproportionnée parmi les personnes occupant un emploi précaire, travaillant à temps partiel contre leur gré et occupant des emplois temporaires[10], de nombreux immigrants n’accumulent pas un nombre suffisant d’heures pour être admissibles aux prestations d’AE dans le cadre du système actuel, malgré le fait qu’ils contribuent au programme d’AE dès le premier dollar de rémunération. Par conséquent, les contributions des travailleurs immigrants à faible revenu représentent un transfert aux autres travailleurs à revenu élevé qui sont admissibles aux prestations d’AE. Cette situation est intrinsèquement injuste.

Le faible soutien du revenu provenant de l’AE aide les familles de travailleurs à faire face à une baisse de revenu importante à la suite d’une mise à pied, soutient la recherche active d’emploi et aide les communautés frappées par un taux de chômage élevé à survivre.

Ainsi, l’OCASI recommande d’améliorer le régime d’assurance-emploi en réduisant le nombre d’heures ouvrant droit aux prestations pour le fixer à 360 dans toutes les régions, en calculant les prestations des travailleurs à partir des 12 meilleures semaines de rémunération assurable au cours des 52 semaines précédentes (non pas les 26 dernières semaines comme dans le système actuel), en augmentant les prestations pour les porter à au moins 60 % des gains des travailleurs et en éliminant la période d’attente de deux semaines.


[2]      RHDCC (2006), Perspectives du marché du travail canadien pour la prochaine décennie, 2006-2015.

[3]      Statistique Canada (2009), Projections démographiques pour le Canada, les provinces et les territoires, 2009 à 2036.

[5]      Sheila Block et Grace-Edward Galabuzi (2011), Canada’s Colour Coded Labour Market.

[6]      Jason Gilmore (2009), The 2008 Canadian Immigrant Labour Market:  Analysis of Quality of Employment.

[7]      TIEDI (2011), July 2011 TIEDI Labour Force Update.

[8]      Naomi Alboim, Ross Finnie et Ronald Meng (2005), The Discounting of Immigrants Skills in Canada: Evidence and Policy Recommendations, IRPP Choices, 11:2.

[9]      Conference Board of Canada (2001), Brain Gain:  Economic Benefits of Recognizing Learning and Learning Credentials.

[10]   Jason Gilmore (2009), The 2008 Canadian Immigrant Labour Market:  Analysis of Quality of Employment.